Luna Park by Laurent Chabin

Luna Park by Laurent Chabin

Auteur:Laurent Chabin [Chabin, Laurent]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Science-fiction
ISBN: 9782896710423
Éditeur: Coups de tête
Publié: 2009-09-10T04:00:00+00:00


9

Et si la réalité n’était qu’une maladie ?

C’ÉTAIT À MONTRÉAL, il y a trois ou quatre ans. Je revenais via Paris du Kivu — nouvellement indépendant, lui aussi, si on peut dire — et je faisais une pause avant de repartir vers Fort McMurray, envoyé là-bas par la Lyonnaise pour protéger les installations de pompage d’eau contre les derniers Indiens du coin, ceux qui avaient survécu à la colle, au sida et aux eaux empoisonnées, des enragés kamikazes, irréductibles même par l’alcool, et qui se jetaient tout vivants dans des machineries sophistiquées pas du tout prévues pour ça et il fallait envoyer par hélicoptères spéciaux des experts qui coûtaient la peau du cul.

J’avais deux jours à tuer, je les passais dans les bars des zones 2 ou 3, les seuls qui sentaient pas trop la cocotte. Un soir, bien raide, je m’étais laissé entraîner par une sorte de loup-garou à cheveux bleus encore plus torché que moi. Il voulait m’emmener voir un spectacle local qui décoiffait pas mal, d’après lui.

Une fois arrivé, dans le hall d’un établissement qui avait plutôt l’air d’une ruine que d’un théâtre, j’avais un peu dessoûlé et je me préparais à repartir — le théâtre, moi, à part les peep-shows, c’est pas mon truc — quand une explosion, à l’intérieur, m’avait arrêté net. Ç’a été plus fort que moi. D’instinct, j’ai dégagé ma ceinture et je me suis précipité vers l’intérieur, en assommant au passage deux vigiles qui me réclamaient mon billet.

Je m’attendais à devoir me frayer un chemin dans une foule paniquée, à piétiner des cadavres, à tailler dans le vif pour passer. Mais à part les deux videurs que j’avais estourbis, personne m’est tombé dessus et je suis passé comme un pet dans une culotte de dentelle.

Dans la salle, tout le monde avait l’air de la trouver bien bonne. Une sono à faire s’écrouler les murs, de la fumée partout, une odeur de poudre et de brûlé. De pot aussi. Des silhouettes en chapeau melon s’agitaient à l’arrière. Un des guitaristes portait un tee-shirt Castrol. Et au milieu, l’air d’un diable de bande dessinée pour adultes, un grand type armé d’un marteau-piqueur achevait de démolir le peu qui avait été laissé debout par l’explosion.

Je suis resté un moment immobile, un peu sonné, l’air un peu couillon avec la main sur la crosse de mon arme. Le gars au marteau pneumatique, c’était celui-là même que j’ai sous les yeux en ce moment, le nez légèrement cassé et une lueur différente dans les yeux. À la fin du show, une gamine est venue le rejoindre, genre teigne, et ils sont passés tout près de moi en sortant. Nos yeux se sont croisés.

Je ne les avais jamais revus avant leur arrivée sur le tarmac de la zone claire. Faut dire que j’étais jamais retourné au théâtre.

Jappy s’est sans doute fait refaire le nez. Quelque chose aux yeux aussi. Lentilles de contact ? Je crois pas. Ou pas seulement. Là, il y a un élément qui m’échappe. Mais c’est pas pour ça que je les avais pas remis.



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